49

Dans l’obscurité, Evan saisit la main de Carrie.

Nouveau silence. Puis le gémissement des marches en bois de l’escalier.

« Il revient, murmura Carrie.

— Est-ce qu’il y a une autre arme ici ? chuchota Evan.

— Je ne sais pas… ils ont pris celle de ton père quand ils l’ont amené. »

Nouveau craquement des marches.

Dezz. Il avait coupé le courant. Le PDA abandonné par terre diffusait une lueur infime. Evan chercha à l’aveuglette le visage de son père. Un souffle faible lui chatouilla le bout des doigts. Il était vivant.

Un nouveau bruit de pas plus bas. Dezz arrivait.

« Est-ce que tu peux marcher ? demanda Evan.

— Pas loin. Pas vite. »

Il fouilla les poches de Jargo et trouva son couteau. Il le glissa dans la poche revolver de son pantalon, tira son T-shirt par-dessus sa taille. Au cas où il perdrait le pistolet de Jargo. Il lui tendit son téléphone portable.

« Vois si tu peux capter un signal ici. Appelle.

— Je ne sais pas où nous sommes.

— À environ un kilomètre et demi de l’Allée des Alligators, l’autoroute 29 Sud. Maison abandonnée sur le côté droit de la route. »

Le bruit des pas sur le plancher de cyprès s’arrêta. Dezz avançait lentement sur la moquette. Ou peut-être attendait-il tout simplement qu’ils s’enfuient dans le couloir.

« Il arrive », dit Carrie.

Evan entendit la panique monter dans sa voix. Une lueur faible apparut lorsqu’elle alluma le téléphone.

La balle pénétra avec un bruit sec dans la main droite d’Evan, celle qui tenait le pistolet, il hurla et tomba en arrière. Pendant les premiers instants de stupéfaction, il ne ressentit rien, puis la douleur remonta brutalement le long de son bras jusqu’à son cerveau. Il lâcha le pistolet de Jargo tandis que le sang jaillissait de sa paume.

« Lâche ce téléphone, ordonna Dezz, ou il meurt. » Carrie obéit. « Je… te… vois… lança-t-il. Encore. »

Non. C’était impossible. Puis il se souvint des lunettes. Dezz les portait dehors, il les avait balancées sur une table. Il avait simplement battu en retraite pour couper le courant et les récupérer. Dans le noir, lui seul y verrait. Et il était remonté pour les tuer.

Le bluff – la seule chance qu’avait Evan de les battre – avait échoué. Fini. Tout était fini.

Sa main n’était plus qu’une douleur lancinante. Il avait lâché le pistolet. Il passa sa main gauche sur ses doigts. Ils étaient tous là, mais sa main perforée était en charpie.

« Tu… tu as tué mon père, prononça Dezz d’une voix qui, dans le noir, semblait désincarnée.

— C’est toi qui lui as tiré dessus », parvint à répliquer Evan.

Le couteau. Il avait le couteau de Jargo dans la poche revolver de son pantalon. Il passa la main derrière lui, puis se figea. Dezz le voyait. Fais le venir plus près. Suffisamment près pour pouvoir le poignarder.

« Dezz. Écoute. On peut parler, hein ? » dit Evan.

Fais-lui croire que tu as atteint le bout du rouleau. Laisse-le penser que tu es redevenu le garçon timoré qu’il a failli tuer à Austin. Il repoussa Carrie. Elle tenta de se rapprocher de lui, mais il la poussa plus fort.

« C’est entre moi et Dezz.

— Pas la peine de t’en faire pour Carrie, dit Dezz, sa voix flottant dans le noir. Je vais pas tuer l’éclaireuse. Pas encore. On va passer plein de bon temps rien que nous deux. »

Evan essaya un nouveau coup de bluff.

« Tu ferais mieux de nous laisser partir, ou ces fichiers brisent définitivement les Deeps.

— Je vais repartir de zéro. S’occuper d’un réseau, c’est une galère. Je m’en sortirai très bien tout seul. »

Evan se releva en s’appuyant contre un angle de la pièce, tendant sa main ensanglantée devant lui comme s’il implorait Dezz de l’épargner. Approche, espèce d’enfoiré, approche.

« Un type comme moi, ça trouve toujours du boulot », continua Dezz.

Evan entendit le froissement d’un emballage de caramel. Il resserra sa main valide autour du couteau.

« Alors qu’un type comme toi… »

Une lueur aveugla soudain Evan. La balle frappa le mur au-dessus de sa tête. Un éclat de rire. Dezz s’amusait avec lui comme il l’avait fait dehors. Tendant sa main estropiée devant lui, Evan chercha le mur à tâtons. Une nouvelle balle siffla au-dessus de sa tête. Il se tapit au sol, poussa des cris paniqués, le supplia de ne pas le tuer. Il veut jouer. Mon Dieu, faites qu’il passe devant Carrie sans s’arrêter et qu’il vienne jusqu’ici.

De nouveaux coups de feu retentirent. Une série de lueurs vives pointant vers le bas. Le bruit des balles s’enfonçant dans la chair et le parquet. Carrie hurla.

« Bye, bye, Mitchell », s’amusa Dezz.

Les lueurs s’estompèrent, laissant planer dans la pièce l’écho de la mort. Mais Evan avait vu d’où elles provenaient, à trois mètres de lui, leur constellation s’était imprimée sur sa rétine. Il se précipita en avant, serrant le couteau dans sa main valide, tendant l’oreille au moindre souffle. Sur sa gauche. Il se rua de toutes ses forces sur Dezz, pointant le couteau droit devant lui.

Dezz hurla. Evan se jeta de nouveau sur lui, ils tombèrent à terre. Evan frappa, sentit la lame transpercer du tissu et de la peau. Dezz hurla de plus belle.

De sa main estropiée, Evan localisa les lunettes et se mit à frapper en dessous. Une fois. Deux fois. Un poing lui percuta la mâchoire, une main se resserra autour de sa main en charpie.

Il ressentit une douleur atroce, inconcevable, puis il perçut une odeur de caramel, sentit un souffle chaud près de son visage. Il leva le couteau et l’abattit.

Dezz se raidit, haleta, puis laissa échapper son dernier souffle.

Evan appela Carrie. Il ôta les lunettes du visage de Dezz et les plaça sur ses yeux.

Vert sinistre. Dezz sous lui. Il leva la tête. Carrie était recroquevillée dans le coin opposé, près de son père. Elle avait les yeux fermés, puis soudain elle les rouvrit en grand dans le noir. Mitchell n’avait plus de visage. Evan le regarda dans la lueur verdâtre et surnaturelle.

« Carrie, c’est fini… »

Les jambes flageolantes, il avança vers elle et s’agenouilla à ses côtés. Il plaça les lunettes sur son visage pour qu’elle puisse le voir. Elle lui toucha la main et fondit en larmes.

Evan se retourna, posa sa main valide sur le torse de son père. Il sentit le silence sous sa paume et ferma les yeux. Carrie, dont les larmes ruisselaient sur la chemise d’Evan, s’appuya contre son dos.

Il finit par se redresser et aida Carrie à se relever en faisant attention à sa jambe blessée. Elle serra la main estropiée d’Evan contre sa poitrine.

Puis ils descendirent l’escalier et plongèrent dans l’obscurité.

Panique
titlepage.xhtml
Panique-Abbott, Jeff_split_000.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_001.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_002.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_003.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_004.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_005.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_006.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_007.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_008.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_009.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_010.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_011.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_012.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_013.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_014.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_015.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_016.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_017.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_018.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_019.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_020.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_021.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_022.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_023.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_024.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_025.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_026.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_027.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_028.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_029.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_030.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_031.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_032.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_033.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_034.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_035.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_036.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_037.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_038.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_039.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_040.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_041.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_042.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_043.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_044.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_045.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_046.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_047.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_048.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_049.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_050.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_051.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_052.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_053.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_054.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_055.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_056.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_057.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_058.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_059.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_060.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_061.htm
Panique-Abbott, Jeff_split_062.htm